Sonnet 46
Je pense à vous et je me dis : « Je l'ai perdu »
avec une douleur que je ne pourrais exprimer autrement
qu'en mourant. Après un moment
je repense à vous, content, et votre image
reprend force en moi. Je me refuse
alors à vous pleurer, me reprenant.
Puis de nouveau je suis perdant.
Etes-vous ou n'êtes-vous pas un autre, mon terrible
Seigneur qui ne sait pas ce qui lui arrive ?
Toujours on se perd, même sans mourir pour de bon :
nous le savions – moi pédant, vous léger.
Mais vous connaître a tout changé :
et vous perdre pour moi veut dire
que je me retrouve, sans vie, où j'étais.
Bath, 24 octobre 1971
PIER PAOLO PASOLINI
(Traduction de l'italien par Hervé Joubert-Laurencin)